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Le droit à l'image des biens en France

Suite à différentes affaires à propos de photographies d'immeubles, un droit à l'image des biens est peu à peu apparu. La jurisprudence s'est construite à partir de l'article 544 du Code civil, mais c'est une notion relativement récente.
Cet article est le suivant :

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

C'est un droit qui bénéficie aux propriétaires et non aux locataires ou aux exploitants d'établissements.
Le cas du droit à l'image des biens représente bien ce qu'est un droit construit par jurisprudence, avec notamment trois arrêts significatifs de la Cour de Cassation.


L'arrêt du 10 mars 1999, le café Gondrée

La propriétaire du café Gondrée, premier bâtiment libéré par les Alliés en 1944, s'opposait à l'exploitation commerciale d'une carte postale. La Cour d'appel de Caen avait rejeté sa demande, la photo étant prise depuis le domaine public; finalement la Cour de cassation lui a donné raison.

« l'exploitation du bien sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire »

Le propriétaire n'a donc pas eu à prouver un préjudice.
Suite à cet arrêt, de nombreux propriétaires ont couru les tribunaux alors que photographes et responsables de publications étaient plutôt anéantis.

L'arrêt du 2 mai 2001, l'îlot du Roch Arhon ou « la petite maison en Bretagne »

Le 2 mai 2001, la Cour de Cassation renverse sa jurisprudence par un nouvel arrêt dans l'affaire de l'îlot du Roch Arhon. Le procès a été intenté par le propriétaire d'un îlot situé dans l'estuaire du Trieux en Bretagne, sur lequel est édifié une maison typique coincée entre deux rochers. Le Comité régional du tourisme de Bretagne avait utilisé un cliché de la maison pour la promotion touristique de la région, le droit de reproduction ayant été obtenu auprès d'un photographe professionnel. La société civile propriétaire s'opposait à cette utilisation revendiquant son « droit absolu de propriété » et que l'utilisation portait « atteinte à l'intimité des habitants de l'îlot ». Elle avait obtenu gain de cause en première instance et en appel, la Cour d'appel de Rennes étant restée dans la logique de l'arrêt Gondrée. Mais la Cour de Cassation a renversé sa propre jurisprudence.

« [...] préciser en quoi l'exploitation de la photographie par les titulaires du droit incorporel de son auteur portait un trouble certain au droit d'usage ou de jouissance du propriétaire »

L'exploitation commerciale de l'image du bien n'est plus suffisante pour constituer une atteinte au droit de jouissance. Il faut établir la preuve qu'elle incombe un trouble.

L'arrêt du 7 mai 2004, l'hôtel de Girancourt

En 1997, les promoteurs d'un immeuble en construction à Rouen avaient diffusé une brochure promotionnelle dans laquelle figurait une photo de l'hôtel de Girancourt, proche du chantier, classé monument historique, afin de vanter l'environnement de la future résidence. Les propriétaires de l'hôtel de Girancourt, estimant que la publication de cette photo pouvait laisser supposer que leur bien était commercialisable, ont saisi la justice pour obtenir réparation du préjudice. Ils ont été déboutés en première instance en 1999, puis en appel en 2001, et ont ensuite vu leur pourvoi rejeté en cassation. Au-delà de cette décision, la Cour de cassation décrète que :

« le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal »

La Cour estime que dans cette affaire un tel trouble n'était pas établi. Une nouvelle fois, la Cour de cassation prend le contre-pied de l'arrêt du 10 mars 1999 sur le café. Mais elle passe surtout de la notion de « trouble certain » à celle de « trouble anormal ». Selon Gérard Ducrey, avocat spécialisé dans les affaires de droit à l'image, beaucoup de procès n'ont alors plus lieu d'être.

Les oeuvres architecturales

Concernant les œuvres architecturales, la loi est différente, leurs créateurs disposant de leurs droits d'auteurs. En théorie, leur autorisation est nécessaire pour reproduire l'œuvre mais la jurisprudence admet que l'on puisse se passer d'autorisation si l'œuvre n'est pas le sujet principal de l'image. Daniel Buren et Christian Drevet reprochaient à des éditeurs de cartes postales d'avoir reproduit des images de la place des Terreaux, à Lyon, qu'ils avaient réaménagés. La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel, reconnaissant que leur travail était une œuvre, mais que celle-ci « se fondait dans l'ensemble architectural de la place, dont elle constituait un simple élément ».